Une histoire vraie : une vraie histoire : Mimi's story

Vendredi 4 Juin 2004 :Chronique d’une vie ordinaire pas si ordinaire 2

 

Je me suis assise dans un fauteuil de jardin devant le salon. Mes yeux se portent vers le portail où les rhododendrons ont explosé en d'énormes fleurs. Et l'allée.. L'allée où tout a commencé ou fini le 29 mars de cette année..

 

Ce lundi, il faisait un temps magnifique tout comme le week-end qui venait de passer. Pierre était rentré à la maison depuis le jeudi pour aider Christian car la semaine précédente, je lui avais dit que je voulais bien laver et repasser son linge à condition qu'il aide Christian de temps en temps. Il n'avait rien de prévu ce week-end et même le jeudi puisque son contrat de travail en intérim n'avait pas été renouvelé. Christian avait pris congé le vendredi et chacun avait travaillé avec ardeur de son côté, comme au bon vieux temps.. Le samedi à midi, Laetitia était même venue manger avec nous et c'était sympa de se retrouver tous ensemble à tel point qu'un peu plus tard, tout le monde était parti et Pierre était seul avec moi dans la cuisine. J'en ai profité pour lui dire que j'étais contente qu'il soit là, qu'ils soient tous là parce que quand l'un d'eux manquait, ça n'était pas pareil et qu'il fallait qu'il se batte pour garder sa place entre les  deux filles, parce qu'il avait toujours sa place ici. J'ai senti qu'il était touché parce que ses yeux se sont embués. Il n'a rien dit, mais j'avais compris.

 

Et j'étais heureuse d'avoir pu lui dire ce que je pensais : ce n'était pas la première fois, mais il fallait tellement se bagarrer contre toutes les histoires qu'il inventait que les rapports entre nous étaient difficiles du fait de tous les soucis qu'il nous donnait.

 

Le samedi soir, Jean-Marie, mon beau-frère, est venu manger avec nous. Il a été stupéfait de voir les quantités que Pierre ingurgitait : une machine à engloutir mais il était gourmand et avait travaillé toute la journée et cela faisait partie de ses excès : il était «Monsieur « No Limit ». C'est comme ça qu'il nous a dit avoir avalé une fois 18 flans à la cantine. Il a dû perdre quelques copains !

 

La soirée s'est bien passée. Tout le monde était fatigué mais content.

Dimanche : Pareil. Pierre avait décidé de se remettre à la clôture : Je suis allée discuter un peu avec lui en fin d'après-midi et il m'a montré ce qu'il voulait faire le lendemain : continuer à nettoyer, couper des arbustes et arracher quelques vieilles souches. Là, je lui ai dit comme d'habitude, de ne pas se casser le dos à les arracher (une de plus ou de moins..) mais il m'a répondu avec un peu de condescendance que je lui concédais volontiers, vu que je n'ai rien à prouver côté travail manuel, et qu'il était incontestablement le plus fort sur ce point, qu'il savait comment les arracher.

 

Il m'a dit aussi avec un petit sourire qu'il avait un cadeau pour moi à l'appartement : j'étais surprise car Pierre n'avait jamais ressenti le besoin ni le plaisir de faire des cadeaux , mais ça m'a intriguée et touchée.

 

Le lundi 29 mars au matin, il s'est levé vers 9 h 30 et m'a dit :

 

Je crois bien que je vais rester jusqu'à vendredi soir puisqu'il va faire beau.

J'ai envie de continuer la clôture..

 

Ce faisant, il s'est préparé un grand bol de chocolat chaud dans lequel il a vidé la moitié d'une bombe de chantilly ! Quand je lui ai fait remarquer que ça n'était pas terrible pour son acné, il a haussé les épaules en disant :

 

Bah : je vais dépenser les calories en travaillant

 

Nous avons parlé de ce que j'avais laissé pour midi dans le frigo car je devais partir à Limoges et ne rentrer qu'en fin d'après-midi. Je lui ai dit que j'allais lui préparer des pommes de terre pour accompagner le rôti déjà cuit et il m'a dit, l'air gourmand, de ne pas le faire car il allait les préparer à sa façon en glissant du beurre sous la peau, etc. Ca m'a fait sourire car il était décidément incorrigible de gourmandise. Puis je suis partie.

 

Vers 13 h 30, je l'ai appelé sur son portable. Ça peut sembler bizarre mais j'ai toujours évité de le laisser seul à la maison : ses comportements face à diverses situations étant trop imprévisibles, mais ce jour-là, je n'avais pas le choix car j'avais des rendez-vous professionnels et en principe, Pierre n'aurait pas dû être à la maison : il avait décidé cela au dernier moment en voyant qu'il faisait beau et que le week-end s'était bien passé. En plus, sa mission de travail temporaire était achevée : rien n'exigeait qu'il rentre à Limoges, hormis quelques jours plus tard, l'anniversaire de son copain Loic et le sien quelques jours plus tard.

 

Je suis tombée sur sa messagerie mais ça ne m'a pas inquiétée outre mesure car je savais qu'il n'écoutait pas son portable en permanence. J'ai laissé un message qui disait :

 

Tu ne réponds pas ? Je suppose que tout va bien ! Alors à plus tard. Bisous.

 

J'ai assuré mon rendez-vous avec l'avocate, puis j'ai vu Laetitia, ma fille. Ensuite, je suis allée rejoindre mon mari, Christian à son entreprise où nous avions une réunion d'information sur le voyage en Croatie que nous devions faire dans les semaines qui suivaient. La réunion terminée, nous sommes rentrés chacun avec notre voiture, lui passant par Condat et moi par les quais le long de la Vienne.

 

Il y avait beaucoup de circulation et j'ai changé plusieurs fois de trajet ce qui fait que Christian m'a devancé de quelques minutes. J'arrivais à la hauteur de la zône artisanale quand mon téléphone a sonné. Au bout du fil, Christian qui me disait :

 

-         Il est arrivé un grand malheur…

 

Dans ma tête, les mots résonnaient : Je n'arrivais pas à comprendre : C'est quoi un grand malheur ? Qu'est-ce qu'il me dit là ? En quelques secondes, j'ai imaginé plein de choses. Il n'y a plus de maison ? Mais est-ce ça un grand malheur ? Les mots n'avaient plus de sens. Dans un état second, j'ai entendu Christian qui poursuivait :

 

-         C'est Pierre. Il est mort.

 

Là encore, je n'ai pas compris. J'ai appuyé à fond sur l'accélérateur en hurlant dans le téléphone :

 

-         Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible

 

Les quelques centaines de mètres qui me séparaient de l'allée, j'ai dû les faire à 100 à l'heure, en hurlant mais toujours sans comprendre. J'ai vu Christian dans l'allée. J'ai vu le tracteur renversé. Mes yeux n'ont vu que le bras et la main qui dépassaient. Ils étaient violacés. Tout était confus dans ma tête : Impossible de penser, de comprendre. Juste crier enlacée avec Christian. Nous sommes restés un long moment  (peut-être juste quelques minutes, impossible de compter le temps) devant la maison à crier et pleurer : Christian hurlait, désespéré :

 

-         Pierre !

 

Puis il ajoutait :

-          

-         Mais quel con ! Pourquoi a t'il fait ça ?

 

Et moi je disais :

 

-         Ne dit pas ça : il voulait juste nous faire plaisir

 

Nous criions et personne ne venait. Personne n'était là. De longues minutes ont passé. Enfin, j'ai appelé les pompiers et là, c'était trop dur d'expliquer, de leur dire qu'il était mort. Quand ils ont demandé mon nom, je ne savais même plus comment je m'appelais. Puis j'ai raccroché. Peu de temps après, il y avait plein de monde et  des voitures rouges, bleues, des uniformes : les pompiers, les gendarmes, la mairie. Tout le monde parlait. J'ai entendu les mots : pompes funèbres, docteur, certificat, etc.

 

Un pompier m'a entraînée dans le salon en me disant de m'asseoir, qu'il allait rester là jusqu'à ce que quelqu'un de la famille arrive, mais qui ? On ne pouvait même pas imaginer qui appeler et surtout pas les filles.

 

J'étais très calme ou plutôt totalement vide. Je ne pensais plus à rien. Le pompier était très gentil et me disait :

 

-         Je ne peux pas vous cacher que c'est très grave mais nous allons essayer de le ranimer.

 

Et moi, je savais que ce n'était pas possible et surtout, je pensais :

 

-         Pourvu qu'il ne reste pas handicapé. Je préfère encore qu'il meure.

 

Le temps nous a semblé interminable. Ma terreur était que Laetitia ou Cathy arrivent ou juste téléphonent. Je ne pouvais ni ne voulais appeler personne tant que Pierre serait encore dans l'allée. Je l'ai dit aux pompiers qui ont mis des hommes en faction au début  de l'allée pour empêcher quiconque d'entrer.

 

Puis quelqu'un est venu me demander des vêtements. A ce moment-là, je ne savais pas encore si je serais capable de monter les escaliers pour aller les chercher. Alors, j'ai décroché une petite tringle dans ma tête et j'ai mis un pied devant l'autre pour pouvoir avancer. Au 1er étage, avant de rentrer dans la chambre bleue, je me suis parlée. Je me suis dit :

 

-         Cette chambre n'est pas celle de Pierre. C'est juste celle qu'il utilisait pendant l'hiver.


C'est ainsi que j'ai pu y pénétrer ce jour-là et par la suite aussi.

-          

J'ai fouillé la pile de vêtements que j'avais repassés la veille. Au dernier moment, je me suis ravisée et j'ai rajouté sa casquette .

 

Deux longues heures se sont écoulées : Interminables. Alors, j'ai appelé ma sœur, Marie-Claire.

 

Lorsque j'ai essayé de lui raconter, je devais être à moitié hystérique. Elle essayait de me calmer et me disait :

 

-         Mais ce n'est pas possible. Ils vont l'emmener à l'hôpital..

 

Et moi, je criais :

 

- Mais non, ; il est mort je te dis.

 

Alors, elle m'a dit la chose la plus incroyable :

 

-         Demain, je serai là.

-          

Et elle a raccroché.

 

J'ai appelé J-Marie qui était resté chez mes beau-parents à F…….c   et je lui ai demandé de venir vite. Il ne comprenait pas non plus. J'ai dû lui dire ce qui venait d'arriver. Trop dur. Trop incompréhensible. Il était en larmes.

 

Pendant ce temps, Christian essayait de joindre ses autres frères dont Jean-Claude qui était sur le point de partir pour Venise.

 

Ensuite, il a fallu se résoudre à appeler les filles ou plutôt Laetitia car Cathy était à la salle de sports et avec tous ses récents problèmes (tentative de suicide quelques mois plus tôt, etc), comment envisager lui asséner une telle nouvelle ? Cela a sans doute été le téléphone le plus difficile de ma vie. Appeler pour dire que plus rien ne sera jamais pareil. Comment prononcer les mots ? Je crois que pendant un instant Laetitia a cru que je parlais de Christian.. Comment dire ce qui vient d'arriver quand on ne peut pas encore y croire ?

 

J'ai appelé Anne-Marie, ma belle-sœur, parce qu'il était important qu'elle soit là avec nous. Nous étions tellement sous le choc que nous n'y croyions pas ou plutôt que nous ne réalisions pas. Nous n'avions même pas mal : c'était comme si nous étions anesthésiés. Un peu plus tard, tout le monde est arrivé. Pas de cris. Peu de larmes : Le choc dans toute sa violence, comme un grand coup qui nous fait tituber. Trop de douleur pour chacun. J'ai préparé du thé, du café. Nous avons demandé à Anne-Marie si Pierre pouvait aller près de sa (vraie) maman qui était décédée 14 ans plus tôt.

 

Sentiment d'irréalité. Nous ne sommes plus de ce monde.

 

Pendant la nuit, Christian a crié sans fin le nom de Pierre, son fils, une partie de lui-même. Et j'avais tellement mal de ne pas pouvoir lui rendre son enfant. Je lui ai fait prendre un calmant et j'ai passé une partie de la nuit au téléphone avec les compagnies d'assurance pour savoir ce qu'il fallait faire et comment ?. Le petit matin est venu et il a fallu affronter la réalité. Notre terreur  était la réaction de beaux-parents à qui il faudrait apprendre la nouvelle avant que d'autres personnes risquent de le faire.

 

Comme des automates, presque sans nous parler, nous avons emprunté l'allée : comment faire autrement ? Il nous a fallu passer devant cette bête orange renversée dans le fossé à quelques dizaines de mètres du portail (le tracteur) : Coup de poignard en plein cœur…

 

Je n'ai que peu de souvenirs de cette journée, hormis qu'il faisait très beau et que ça nous semblait encore plus impossible qu'une chose aussi terrible soit arrivée alors qu'il faisait un temps aussi magnifique. Mécaniquement, sans rien ressentir à l'intérieur, nous sommes partis à Fl……c, torturés par l'idée d'aller annoncer la terrible nouvelle. J-Marie avait déjà pris les devants et si des larmes mêlées d'incompréhension ont coulé, au bout de peu de temps, nous avons réalisé que nous ne pouvions rien faire de plus et nous sommes partis à Nexon à la maison funéraire, le ventre serré.

 

 

Que dire de ce moment-là ? Tout était tellement effroyable que je me demande si on ressent même quelque chose ? Nous sommes entrés dans un petit bureau. J'étais pétrifiée de terreur. Pas d'autre mot. Terreur de ce qui était arrivé et de ce que nous allions voir. L'homme assis en face de nous était plutôt gentil et faisait bien son boulot. Il a énuméré tout ce qu'il allait falloir faire et ce que « eux » pouvaient faire pour nous. Tout nous semblait tellement difficile que nous n'avions qu'une envie : lui demander de s'occuper de tout. Il a proposé de voir des cercueils mais c'était trop nous demander. Il a alors ouvert un catalogue et sans réfléchir ni regarder les prix ou quoi que ce soit d'autre, nous avons pointé du doigt la seconde page.

 

Couleur du satin, poignées ? dorées ou pas ?

 

Autant de questions auxquelles on n'avait jamais pensé avant. Avant hier. Chaque minute qui passait semblait interminable. Je me pétrifiais un peu plus à chaque instant, à l'idée qu'on allait le voir car affronter la mort est une chose très difficile pour moi. Jusqu'à ce jour, j'ai toujours réussi à « esquiver » cette obligation, hormis lorsque mon frère Pascal est parti à 22 » ans dans des conditions difficiles aussi. Mais là, je n'y ai même pas pensé. Il fallait être là, pour lui, pour Christian, pour moi. Lorsqu'on nous a dit que la personne chargée des soins en avait terminé, il a fallu se lever et la suivre dans une petite salle à côté où il reposait. Avancer, ouvrir la porte et regarder.. C'était terrible.

 

La première pensée que j'ai eue, c'était qu'il ressemblait à un pharaon égyptien avec son visage trop maquillé. C'est une pensée qui ne me quittera pas. Et puis, je ne l'ai pas vraiment reconnu. Ce n'était pas lui avec ces lèvres trop épaisses.. Je l'ai dit et la personne a proposé de retirer un peu du maquillage.

 

Nous sommes repartis dans un état second avec une seule pensée en tête : que les filles ne le voient pas comme ça, qu'elles gardent son image intacte, mais elles ont tenu à le revoir. Nous y sommes retournés avec elles et quelque chose avait changé depuis le matin, une sorte de sérénité s'était installée sur lui. Mais quelle douleur de le voir figé pour l'éternité.

 

Impossible de trouver les mots pour décrire ce qu'on ressent dans ces moments-là et là encore, je parle de ma peine, pas de celle de Christian qui devait être incommensurable parce qu'il adorait son fils, parce que c'était SON fils, le fils de M-Andrée, le frère de K.T... Bref, tout ce qu'on peut dire à l'air bien vain. Je ne sais pas comment les heures ont passé ce jour-là.

 

En fin d'après-midi, la porte d'entrée s'est ouverte et derrière, il y avait mes frères et sœurs, Marie, Bernard et Thierry, l'air complètement crevés, mais ils étaient là. Sans réfléchir, ils étaient partis le matin pour être auprès de nous. Ca m'a touchée et m'a fait prendre conscience que quelque chose n'était pas normal : Je crois que dans ma tête tout avait comme séché. Il n'y avait plus de sentiment. Je me sentais tellement vide. Incapable de penser, d'agir, ressentir.. Puis tout le monde est arrivé, les uns après les autres. Le surlendemain était le jour de l'enterrement : c'était le mercredi après-midi. La date avait semblé rapide pour certains mais c'était ça ou le samedi (vu l'agenda du curé) et attendre davantage nous semblait inconcevable puisque tout était irrémédiablement fini. Entre temps, il fallait penser à plein de choses, prévenir ceux qui devaient l'être, prendre les dispositions nécessaires, s'occuper des uns et des autres et surtout ne pas penser. Dans ces moments-là, on est portés par les choses à faire, heureusement peut-être.

 

 

J'ai peu de souvenirs de la cérémonie. Je sais juste que mes yeux n'ont pas quitté le cercueil et les dalles du sol de l'église.. Il y avait du monde, beaucoup de monde. Et tous ces gens qui sont passés devant nous pour nous saluer, murmurer quelques mots : c'était très émouvant. Là où j'ai craqué, c'est quand j'ai réalisé qu'autant de filles de la danse étaient venues ainsi que les copains de Pierre. Tous étaient éprouvés et j'avais mal pour eux aussi car c'était une partie de leur insouciance qui allait partir avec eux. Nous avions choisi une musique qu'il écoutait beaucoup dernièrement et qui semblait prédestinée pour ce moment : un morceau d'Evanescence, « My Immortal ». C'était beau, la musique comme les mots et cette chanson resteront liés à cette journée pour toujours dans mon cœur. Désormais, je ne peux plus l'entendre sans pleurer.


Je me  souviens que la pluie avait dû s'arrêter de tomber : Tiens, il pleuvait donc ? je ne sais pas. Je ne sais plus. Nous avons décidé d'aller au cimetière à pied. C'était presque beau cet accompagnement. Arrivés au cimetière, tout semblait tellement irréel. Le caveau était ouvert. Il allait être près de sa maman. Ç'aurait pu être son rêve : la retrouver.

 

Trop de .. Trop de tout : ça ne se décrit même pas. Plus rien n'a de sens : Tout le monde est dévasté.

 

Puis nous sommes rentrés à la maison. Je ne me souviens même pas si j'étais triste tellement j'étais vidée. J'ai conservé ce sentiment pendant longtemps : Plus rien à l'intérieur. Pas d'émotion : ça évite (provisoirement) d'avoir mal.

 

J'avais presque envie qu'on se retrouve enfin seuls Christian et moi : envie ou peur ? je ne sais pas. Depuis quelques jours, tout était différent : même pas avoir le temps de réaliser ou peut-être était-ce mieux ainsi ?Mais par moments, quand nous nous asseyons forcément autour d'une table pour boire ou manger quelque chose, je leur en voulais presque à tous d'être là, en vie peut-être ? c'était injuste je sais mais j'aurais voulu qu'ils aient mal comme nous à chaque instant, sauf qu'il leur fallait bien décompresser un peu aussi. Que faire ? Ne pas faire ? J'avais peur pour Christian. Chacun s'est installé dans sa peine. Dur de se retrouver tous ensemble : bien obligés d'y penser et à y penser constamment, on gâche chaque instant passé ensemble. C'est un peu comme renier celles qui sont ici (les filles) en ne pensant qu'à Pierre. Alors, faire semblant les quelques instants qu'on passaient ensemble histoire juste de continuer à  vivre ? Cathy a pris ses distances en se rapprochant de plus en plus de son copain de l'époque et de sa famille. Comme elle disait : « nous n'étions pas marrants » ! comment avoir le cœur à ça ? Pour se protéger, elle s'était faite une carapace allant jusqu'à se dire qu'elle n'avait jamais eu de frère : Dur à entendre mais si c'était « SA » manière de survivre, avait-on le droit de l'en empêcher même si pour nous c'était difficile à entendre ? Et surtout, c'était fuir la réalité mais dans ces moments-là, il faut juste survivre au jour le jour, poser un pied devant l'autre, vivre avec cette idée terrible et avec ces images monstrueuses omniprésentes.

 

Pendant ce temps, j'ai laissé Laetitia s'occuper de tout ce qui concernait le boulot : ma seule activité était de m'occuper des formalités (et il y en a) et de me bagarrer avec les assurances. Il fallait aussi vite trouver un moyen de faire enlever ce terrible tracteur de l'allée. Finalement, ça a pu être fait avec l'aide de nos voisins. Restait à passer dans l'allée plusieurs fois par jour…

 

 

Chaque lundi, on se disait :

 

            tu te rends compte ? C'était il y a 1, puis 2, puis 3 semaines 

 

Comment était-ce possible alors qu'on avait le sentiment qu'on ne pourrait pas vivre sans lui ? En fait, la vie continuait : On avait soif et on buvait ; on avait faim et on mangeait même si les choses n'avaient plus la même goût. Il y a des plantes qui se contentent de peu pour ne pas crever : un peu comme nous. C'est peut-être ça l'instinct de survie ?

 



12/01/2008
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